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Hervé Vilard, "Le bal des papillons"

Posted By: TimMa
Hervé Vilard, "Le bal des papillons"

Hervé Vilard, "Le bal des papillons"
Publisher: Fayard | 2007 | ISBN: 2213630712 | French | PDF | 291 pages | 4.2 Mb

Avoir dix-neuf ans au bord des plages et au sommet du hit-parade. Hurler Capri c'est fini dans la frénésie des sixties. Et, un soir de tournée, à Verdun, pour un scoop de journaliste, retrouver sa mère sous l'objectif des photographes.
Rue Nollet, dans le huis clos d'un meuble, une mère et un fils tentent de sceller leurs retrouvailles. Mais Blanche a du vague à l'âme. Sous l'évier, les bouteilles de vin s'entassent. «Personne n'en saura rien.»

L'idole chante, Hervé fuit. Du Péloponnèse à Mexico, du palais de la Shabanou à l'Espagne franquiste, Hervé découvre le monde. Un monde envahi de soldats. Tant pis, trop tard. Mai 68 passe. Le succès s'enraye. Sa mère perd la raison. Dégâts, procès, millions. «Personne n'en saura rien.»

Dans son premier récit, salué par la cri­tique, Hervé Vilard racontait son enfance en Berry, les grandes figures de sa jeunesse et son arrivée à Paris à l'aube des années 60 Dans Le bal des papillons, il est toujours l'âme seule. Et il se répète : «Le succès pèse et ne pèse rien. Ou j'avale ce monde ou ce monde m'engloutit.»
Quand le bonheur en fait trop, je me sens menacé. À Cannes, le vent ronge les cyprès et moi je cavale. Sans cesse je vais, je viens, j'espère. Je suis devenu pressé. Pas question d'être en retard quand on est au hit-parade. Sur ma peau, le soleil m'accompagne. Le soleil c'est quelqu'un.
Ce matin, au café de la Gare, j'ai entendu ma voix gueuler dans le juke-box. Ma voix. Même le mécanicien de la rue de l'Ombre monte à fond son transistor pour siffler Capri c'est fini. Ils sifflotent tous ma chanson. Je traîne dans toutes les mains, sur toutes les lèvres, je suis à tout le monde et j'aime ça. Dommage qu'on ne puisse pas serrer le succès dans ses bras. Il y a quelque chose de moi dans cet été-là.
Je traverse la Croisette poudrée de sable, étincelante sous les jets d'arrosage. L'air de la Côte d'Azur écarte mes poumons, je cours en tongs le long des plages un oeil sur les vagues. Parfois la Méditerranée m'inonde de sa mélancolie, la mer et la mélancolie c'est pareil, mais, maintenant, l'entrain balaie les choses mortes, et mon ombre recommence à courir dans l'été blanc brûlant.
Ici je ne suis plus seul. Quelqu'un s'occupe de moi, quelqu'un qui m'encourage, qui m'attend. Louis Nucera, grand Niçois à l'oeil noir et aux épaules carrées, est l'attaché de presse de ma maison de disques Philips. C'est un homme de lettres aussi, homme de lettres ça vaut plus que général. Suzanne, sa femme, douce et brune comme lui, me sourit. Tous les deux s'aiment à la folie. Le bonheur est naturel près de ceux qui s'aiment. Quand il faut poser pour un photographe, ils me rassurent. Et si un journaliste devient insistant, Suzanne répond pour moi.
C'est pratique.
C'est l'été.
C'est mon tour.
Mon coeur ne se repose plus.
Pas simple d'enlacer par les hanches deux blondes en bikini au bord de la piscine du Carlton. Et puis la pudeur se dénoue sous les flashs. À force de faire semblant, cette vie-là devient vraie. Prendre une pose, c'est rien. Ma vérité n'est pas au bord des piscines, ma vérité c'est chanter. Parfois, comme un coup de vent, l'angoisse se pointe, mais non, elle passe, le ciel revient, si bleu, si fort, avec Louis, Suzanne et le mécanicien de la rue de l'Ombre qui monte son transistor à fond… Mes tongs claquent dans l'été 65. Clic-clac, nouvelle photo, me voilà riche au volant d'une MG de location.


Hervé Vilard, "Le bal des papillons"