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Linda Lê, "Lame de fond"

Posted By: TimMa
Linda Lê, "Lame de fond"

Linda Le, "Lame de fond"
Publisher: Thélème | 2013 | ISBN: 2878627474 | French | MP3 128 Kbps | Lenght: 06:14:58 | 243.15 Mb

Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer. Depuis que le couvercle s'est refermé sur moi, je n'ai qu'une envie : me justifier, définir mon rôle dans les événements survenus, donner quelques clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui n'est qu'un fait divers. Je n'ai pas un penchant au regret, mais il me faut faire mon examen de conscience, si inutile qu'il soit désormais.
Van

Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer. Depuis que le couvercle s'est refermé sur moi, je n'ai qu'une envie : me justifier, définir mon rôle dans les événements survenus, donner quelques clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui n'est qu'un fait divers. Je n'ai pas un penchant au regret, mais il me faut faire mon examen de conscience, si inutile qu'il soit désormais. Le souvenir que je laisse est celui d'un partisan des solutions hybrides, habitué à ajourner, soucieux de n'exaspérer personne, de ne pas empirer les choses en manquant de diplomatie. Je ne suis pas un de ces vieux hiboux formalistes, ni un de ces faiseurs d'embarras toujours persuadés d'être supérieurs à tout le monde. Non, j'ai veillé à ne pas incommoder mes proches, pas seulement par horreur des dissensions domestiques, mais parce que je ne suis pas un homme à problèmes. Rien n'est aussi précieux pour moi que la paix de l'esprit, et j'aurais tant voulu atteindre à la quiétude malgré les coups durs. J'en ai connu, des tempêtes sous mon crâne. Peut-être dans une vie antérieure ai-je commis des actions condamnables, et j'ai dû payer ces fautes pendant mes cinq décennies d'existence. Je n'ai aucune croyance, pas plus en un Dieu châtieur qu'en un quelconque Éveillé plein de mansuétude. Les enseignements bouddhistes m'ont été sans profit, je n'ai retenu de mes études des Sermons de Bossuet que des leçons de style. Ma propension au spiritualisme, en dépit de mon irréligion, m'a amené à accorder la primauté aux questions qui dépassent l'entendement humain. J'ai tenté de percer les mystères de la téléologie, demandé aux sensualistes de me procurer la jouissance de l'esthétique, aux romantiques de me douer d'une aspiration vers l'infini. J'ai incorporé la substantifique moelle des proses les plus roboratives pour gagner en force d'âme mais, tel un serpent qui se mord la queue, j'ai échangé des doutes contre une science guère susceptible de m'aider à démêler mes écartèlements. J'ai cultivé assidûment les lettres dans l'espoir d'y trouver, sinon du bonheur, du moins un vif goût pour les surprenantes inventions. Il m'en reste quelques débris fragmentaires, étoiles distantes qui clignotent encore - dans cette galaxie, Vautrin voisine avec Mme Verdurin, Molloy avec Bardamu, Ah Q avec Sganarelle, Achab avec Salomé, Philoctète avec Ophelia… Liste non exhaustive à laquelle il conviendrait d'ajouter les personnages secondaires que j'ai eu plaisir à classifier (travail de bénédictin parfaitement absurde). Mais tout s'est mélangé dans ma pauvre tête.


Linda Lê réussit brillamment à faire tourner ces quatre voix comme un mini Quatuor d'Alexandrie. Cet art de la précision, cette richesse du détail sont rares dans les romans du XXIè siècle sur les familles françaises. […] L'ensemble est subtilement intriqué : nous avons véritablement face à nous quatre existences meportées par une même lame de fond nommée l'Histoire. Pères absents, enfants déracinés, mères cocues, maîtresses esseulées : Lame de fond ne décrit pas seulement les conséquences de l'exil mais aussi les dommages de toutes les révolutions, celles de m urs ne faisant pas de dégât moindres que les grandes. –Frédéric Beigbeder, Le Figaro Magazine

Linda Lê revient à son meilleur avec cette Lame de fond qui explore intelligemment les troubles des liens familiaux, des origines, de la transmission, de la langue et des fossés culturels. Avec intelligence, sensibilité et une petite dose de dérision, l'auteur de la Lettre morte a su faire s'entrecroiser les soliloques de ses principaux, en singularisant leurs voix et leurs vérités, parfois paradoxales) tout en gardant une unité dans son écriture, envoûtante. De quoi nous mettre face à nos regrets intimes - « le plus rageant, quand on est mort, c'est de s'apercevoir qu'on ne peut rien rattraper »… –Baptiste Liger, Lire

Linda Lê peint les différentes facettes d'un Hexagone turbulent ou réac, chaleureux ou crevard. A l'intérieur, les destins sont si dissemblables qu'ils ne peuvent dialoguer. Les points de discorde sont multiples : générationnels, culturels, géographiques. […] Nouer les fils, emberlificoter des vies en silence : Linda Lê accomplit cet exploit de livre en livre. Ses phrases avancent lisses, policées, cadenassées parfois. La romancière se pose en dompteuse de mots, elle qui confie avoir toujours su mieux écrire le français que sa langue natale. Son impassibilité de ton n'est pourtant qu'apparente. Cette prudence devant les affects trop clairs est là pour endiguer une folie, celle qui dort sous la forme trop simple d'un titre mais affleure subtilement à chaque page. –Emily Barnett, Les Inrockuptibles


Linda Lê, "Lame de fond"