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Amale El Atrassi, "Louve musulmane"

Posted By: TimMa
Amale El Atrassi, "Louve musulmane"

Amale El Atrassi, "Louve musulmane"
Publisher: Archipel | 2013 | ISBN: 2809809895 | French | EPUB | 216 pages | 0.3 Mb

Ce livre est le témoignage courageux d'une « femme forte et digne ». Courageux, car, en dévoilant la vie et les coutumes de son foyer d'expatriés marocains, cette femme risque sa vie.
Unique, parce que c'est la première fois qu'une femme musulmane raconte avec une telle honnêteté la succession de brimades et d'horreurs dont elle et ses soeurs ont été victimes pendant leur jeunesse.
Viol, exil forcé, violences physiques, harcèlement moral, prison…: Amale conte son histoire, celle de sa soeur et de sa famille, en commençant par le portrait de sa mère, mariée de force à seize ans à un homme qu'elle n'aimait pas, et qui s'est rapidement révélé alcoolique et violent.
LE DRAP ENSANGLANTÉ

Être une autre, est-ce possible ? Avec des souvenirs aussi forts ? Une pareille enfance, une pareille jeunesse ? Et tant de blessures ? Être une autre Amale ?

Oulja, dans la banlieue de Rabat. Un bidonville, presque un lieu-dit, un ensemble de baraquements où règne la tôle ondulée. Pas de rues asphaltées, pas d'électricité, pas d'eau courante et, bien sûr, pas de toilettes : pieds nus, on va «faire» dans un trou qu'on rebouche ensuite.
Oulja est le fief de la tribu Missaoui, à laquelle appartiennent mes parents. C'est à Oulja qu'ils sont nés.
La famille de mon père, Choukri el Atrassi, était réduite à la mendicité. La famille de ma mère, Karima el Azzouzi, était très pauvre. Le grand-père El Azzouzi ne possédait que quelques vaches et un âne, avec lequel il se rendait sur les marchés et qu'il chargeait des fruits et légumes que les vendeurs abandonnaient avant de plier leur étal. Sa femme cueillait des plantes sauvages qu'elle vendait pour trois fois rien.
Quand ma mère a eu seize ans, mes grands-parents ont décidé de la marier à un ami de son frère. L'élu se prénommait Choukri. A vingt-quatre ans, il avait une réputation, comme on dit : bagarreur, coureur et forte tête. On lui connaissait plusieurs «fiancées» et il ne faisait pas bon se disputer avec lui. Longtemps sans travail, il avait finalement trouvé un poste d'ouvrier en France. En France ! L'Eldorado ! Les Azzouzi ne pouvaient refuser un tel parti.
Les photos de Choukri révèlent un bel homme, tandis que ma mère ne s'est jamais trouvée jolie. Elle l'était pourtant. Elle avait toujours su qu'elle devrait se marier - toutes les filles pauvres au Maroc le savent -, mais elle ne parvenait pas à imaginer sa vie d'épouse, encore moins sa vie de mère. Elle allait encore à l'école, parce que les Azzouzi s'étaient sacrifiés pour lui payer des études.
Elle ne savait rien de ce Choukri, qu'elle avait à peine entrevu quelques fois. Être livrée à un inconnu, éloignée des siens… Elle supplia sa mère, pleura, mais rien n'y fit. Choukri vint avec ses parents demander la main de Karima, et le marché fut conclu en moins d'une demi-heure. Choukri offrit une dot aux Azzouzi. Si j'ai bien lu le contrat, il acheta Karima pour une vingtaine d'euros.
Les noces furent vite organisées car le départ de Choukri était imminent. Une vache fut sacrifiée pour le repas, et, le grand jour venu, toutes les femmes de la tribu s'attelèrent à la préparation du couscous. Les femmes dînèrent de leur côté, les hommes, du leur. Puis un cortège se forma, mené par Choukri : l'époux allait consommer l'acte.
L'épouse l'attendait dans une maison de deux pièces. Les témoins se regroupèrent dans l'une d'elles. Choukri entraîna Karima dans l'autre et la poussa sur la paillasse garnie d'un drap blanc, qui faisait office de lit.
L'épreuve qui commença pour ma mère fut brutale, humiliante. Et inoubliable, puisqu'elle me l'a racontée des années plus tard comme si elle avait eu lieu la veille.


Née et scolarisée en France, Amale El Atrassi est retenue prisonnière au Maroc pendant trois ans à l'adolescence. Elle y connaîtra la peur et la violence. De retour en France, contrainte de voler pour survivre, elle est emprisonnée. Soeur de l'animateur et humoriste Mustapha El Atrassi, elle a quatre enfants et habite près de Tours.


Amale El Atrassi, "Louve musulmane"