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Gilles Lapouge, "Dictionnaire amoureux du Brésil"

Posted By: TimMa
Gilles Lapouge, "Dictionnaire amoureux du Brésil"

Gilles Lapouge, "Dictionnaire amoureux du Brésil"
Plon | 2011 | ISBN: 2259209254 | French | EPUB | 672 pages | 2.5 MB

Je connais le Brésil depuis soixante ans, jour pour jour. Il m'a toujours étonné et surpris, parfois énervé, sans me décevoir jamais. Ce dictionnaire voudrait donner à voir ses forêts du début des choses, ses eldorados, les déserts écorchés du Nordeste, la douceur de ses habitants et leurs cruautés, la volupté de Rio, de Brasilia, de Sao Luis, les fêtes et les sambas, les fascinants poissons de l'Amazone, l'aventure du caoutchouc, du café et de ce bois écarlate qu'on appelle " le bois brésil ". Comme je fréquente ce pays régulièrement, je l'ai peint avec mes souvenirs. Je montre ses images. Je me rappelle ses odeurs et ses orages. Parallèlement, je parcours son histoire dont nous ne connaissons en Europe que des bribes, et qui fut brutale et fastueuse. Je parle également du Brésil d'aujourd'hui, partagé entre l'horreur des favelas et l'impatience d'un peuple qui, pour la première fois peut-être, sait qu'il est en charge de son propre avenir. C'est cela, être amoureux d'un pays.

"Longtemps, j'ai aimé le Brésil et je l'aime encore. Il y a soixante ans que je le fréquente. Je vais le voir. Je parle avec lui. Nous échangeons des idées, des souvenirs, des malices. Il me raconte des histoires…"
G.L.
Longtemps, j'ai aimé le Brésil et je l'aime encore. Il y a soixante ans que je le fréquente. Je vais le voir, je parle avec lui. Nous échangeons des idées, des souvenirs, des malices. Il me raconte des histoires. Si je suis au loin, j'écoute sa respiration, je lui écris ou je lui téléphone. La nuit, quand il m'a fait faux bond depuis quelques mois, je me débrouille pour le mettre dans mes songes. Je me suis composé un petit équipement qui me permet de le retrouver quand je crois que je l'ai perdu ou qu'il se détourne. J'ouvre ma trousse et j'en sors le ciel d'un soir d'Ipanema pendant l'année 1952, les odeurs de fleurs et de marécages que j'ai ramassées à Marabá en 1969 ou cette petite fille noire qui dansait sur la plage bleue de João Pessoa, avec une ombrelle rouge, et c'était en quelle année ?
Quand je suis tombé dans ce continent, en 1951, j'arrivais d'une Europe grise, fourbue, avec des aigreurs d'anciens combattants, de soldats en déroute et de fours crématoires. L'Europe avait reçu beaucoup de gnons. Elle était pleine de bleus, de rancunes et de cendres. Hargneuse, prétentieuse et repliée sur ses propriétés, elle se laissait manger par sa mémoire. Ses villes et presque ses paysages étaient couverts de brumes et de pluies un peu sales.
Le Brésil était en couleurs, au contraire. Dans les rues allaient des peaux noires, blanches, rouges ou dorées, et elles s'amusaient ensemble. Le pays portait un nom de couleur en hommage à cet arbre de braise (pau-brasil ou «bois brésil») dont la pulpe a barbouillé de carmin, de pourpre et d'écarlate les fêtes des condottieres, des princes et des papes de la Renaissance, à Florence, à Chambord, en Flandres et au Louvre. La terre du Brésil est violette, noire, jaune ou blanche. Le bleu de ses ciels est celui de ses mers. Et dans le vert violent de ses forêts passent des compagnies d'oiseaux bariolés.
Je me souviens de mon premier matin à Copacabana. J'étais impatient. Après une nuit sans sommeil, levé à cinq heures, j'avais regardé la plage, le soleil et la mer, l'or et le bleu, et je m'étais dit que j'étais arrivé dans la beauté des choses.

Plus tard, je me suis aperçu que ce pays était rusé et même un peu menteur. Il faisait du bruit car il avait peur du silence et toutes ces couleurs déployées formaient des «barricades mystérieuses» élevées contre sa nuit. Il se cachait derrière ses joies. S'il tenait boutique d'amours, de chansons et de passions, c'est qu'il masquait ses peurs. Il faisait illusion à force de gambades et de feintes, mais il était comme tous les autres pays : du fond de ses caves, montaient les litanies du malheur. Il faisait des cauchemars et peut-être il aimait leurs noirceurs. Il multipliait les fêtes et les carnavals car il ressentait une «difficulté d'être», et toujours le néant venait battre ses rêves. Il s'était maquillé en franc luron et habillé de fanfreluches pour se convaincre que la vie est un délice. Il disait qu'il était le paradis mais c'était un drôle de paradis, bricolé avec des injustices, de la misère et des ombres. Depuis le temps qu'il se prenait pour le ciel, il se demandait où il avait bien pu le mettre, ce ciel, et si ce n'était pas une blague. Ses chanteurs disaient d'une voix désespérée qu'il n'y a pas de bout au malheur. «Tristeza não tem fim, felicidade, sim !» («La tristesse n'a pas de fin. Le bonheur, oui»).


Le Brésil, paradis des cuistres, attire les clichés : pays d'avenir, terre du métissage, favelas violentes livrées aux mafias, nouveau dragon d'Amérique latine… Ceux qui veulent en parler devraient garder en mémoire le mot de Truman : «Si vous avez les idées claires, c'est que vous êtes mal informés.» Avec Gilles Lapouge, pas de risque ! Il sait que le Brésil est trop grand, trop multiple, trop riche, trop pauvre, trop généreux, trop secret pour être expliqué. S'il lui consacre pourtant 600 pages de pur bonheur, c'est en conservant l'attitude humble de celui qui ne prétend pas donner de leçon. Il raconte, voilà tout. (Jean-Christophe Rufin - Le Nouvel Observateur du 26 mai 2011)

De la cinquantaine de Dictionnaires amoureux, voici le plus exotique, le plus romanesque, le plus enchanteur, le plus captivant, bref le meilleur : Dictionnaire amoureux du Brésil, de Gilles Lapouge. D'abord parce que le Brésil est un sujet en or, en bois rouge, en caoutchouc, et qui sent le café. Pour un écrivain, du nanan. Il y a mille Brésil. Et encore mille autres. Un puzzle géographique, un Lego historique. Avec des légendes en veux-tu en voilà. "Et des histoires vraies comme des légendes." On peut faire confiance à Gilles Lapouge : là où il y a de l'énigme, du miracle, de la cruauté, de la beauté, de la folie, de la saudade, des ruines et des arbres millénaires - le Brésil produit tout cela et bien d'autres choses à foison -, il est présent, attentif, émerveillé ou griffu, toujours ensorcelé. (Bernard Pivot - Le Journal du Dimanche du 5 juin 2011)

Faire tenir le Brésil, ses millions de kilomètres carrés, ses 200 millions d'habitants et sa diversité dans un dictionnaire en un seul volume est un pari pour le moins audacieux. Comment faire rentrer et l'Amazonie et le sertao ? Comment y loger Brasilia la ville nouvelle et Ouro Preto la baroque ? Sans oublier qu'il ne faut pas se contenter du présent : le passé, révolu, et le futur, entrevu, doivent également trouver leur place - le tout en moins de 700 pages. Pour un pays aussi riche, aussi épais, aussi plein que le géant vide, la tâche est particulièrement ardue. L'écrivain-journaliste Gilles Lapouge, habitué du Brésil depuis soixante ans, l'accomplit avec talent…
Il ne s'agit pas d'un «dictionnaire du Brésil», mais bien d'un abécédaire porté par l'expérience de Gilles Lapouge, qui débarqua un beau jour de 1951 à Rio, avant de prendre la direction de Sao Paulo pour rejoindre l'équipe du grand quotidien O Estado de Sao Paulo. Il mêle savoir, expériences, doutes, interrogations et rêves. (Gilles Biassette - La Croix du 9 juin 2011)

"L'histoire du brésil est celle de ses peaux", écrit Gilles Lapouge, à l'entrée "Peaux" de son dictionnaire….
Dans ce chapitre comme dans presque tous les autres, l'auteur relate avec une verve extraordinaire des histoires qui enchantent. A travers elles, il raconte non seulement le passé, mais le présent de ce pays. (Raphaëlle Rérolle - Le Monde du 23 juin 2011)


Gilles Lapouge, "Dictionnaire amoureux du Brésil"