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Gilbert Joseph, "Une si douce Occupation. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre 1940-1944"

Posted By: TimMa
Gilbert Joseph, "Une si douce Occupation. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre 1940-1944"

Gilbert Joseph, "Une si douce Occupation. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre 1940-1944"
Publisher: Albin Michel | 1991 | ISBN: 2226054235 | French | PDF | 380 pages | 4.8 Mb

Comment continuer à exercer la sartrologie dans un milieu spécialisé de plus en plus dominé par la sartrolâtrie ? Ingrid Galster ne doit même plus de poser la question. Professeur à l'université de Paderborn, experte notamment de la réception des pièces de Jean-Paul Sartre sous l'Occupation et de l'impact de l'oeuvre de Simone de Beauvoir, elle a été récemment mise au ban par les gardiens du temple pour avoir osé ébrécher la statue : elle assure mordicus, avec quelques autres, qu'à la rentrée 1941, Sartre a pris son poste de prof de philo au lycée Condorcet parce que son titulaire Henri Dreyfus-Le Foyer avait été exclu de l'enseignement en application des lois raciales. Ce qui n'est effectivement pas à son honneur. A quoi les gardiens de la mémoire ne cessent de répliquer qu'il avait succédé en réalité à Ferdinand Alquié, raisonnement sophiste s'il en fut puisque celui-ci n'était qu'un remplaçant non titularisé en attendant que le titulaire prenne le poste. Plusieurs années que les uns (Ingrid Galster, Jean Daniel, Michel Winock…) et les autres (Claude Lanzmann, Michel Contat, Juliette Simont, Bertrand Poirot-Delpech, Annie Cohen-Solal…) s'affrontent et s'envoient parfois des noms d'oiseaux autour de cette affaire. Ingrid Galster y revient dans la revue Commentaire (No114 été 2006) sous le titre univoque "Réponse à une diffamation". Elle y reproche leur "mauvaise foi" aux gardiens du temple. A ses yeux, plutôt que de persister dans une posture de combat, la recherche sartrienne serait mieux inspirée de "comprendre la relation entre la vie et l'oeuvre quand Sartre théorise la mauvaise foi (à propos de L'Etre et le néant) au moment même de la pratiquer, en refoulant le fait qu'il doit son loisir, pour écrire son texte de philosophie et ses textes contre Vichy, à l'exclusion anti-juive". Pour elle, il est clair qu'il bénéficiait d'un "effet d'aubaine". Mais, non contente de leur mettre les points sur les "i", Ingrid Galster en profite pour embrayer sur une nouvelle polémique (la prochaine ?). Elle fait écho dans un P.S. à un livre de Fabienne Federini Ecrire ou combattre. Des intellectuels prennent les armes 1942-1944 qui vient de paraître à La Découverte. L'auteur a attiré son attention sur la page 187 dans laquelle elle reproduit ce document trouvé aux Archives Nationales :

"Je soussigné Jean-Paul Sartre, professeur de philosophie, déclare sur l'honneur n'avoir jamais appartenu à l'une des organisations définies à l'article 1 de la loi du 13 août 1940 portant interdiction des associations secrètes. Je prends l'engagement de ne jamais adhérer à une telle organisation au cas où elle viendrait se reconstituer."

Dans le langage de l'époque, il s'agit bien évidemment et exclusivement de la franc-maçonnerie. Un document à analyser à la lumière des reproches adressés par Sartre à Beauvoir après qu'elle eut signé, comme tant d'autres, un papier confirmant qu'elle n'était ni juive ni franc-maçonne. Sous l'Occupation, on ne pouvait monter de pièce de théâtre sans confirmer sans qualité d'"aryen". Choses que Sartre, dans les années 70, assurait n'avoir jamais fait, se disant trop "ancien prisonnier de guerre" pour s'abaisser à de tels compromis avec l'occupant. Il y a trente ans, il pouvait encore le dire à son biographe John Gerassi sans être démenti. Depuis, la recherche sur le fonctionnement de la machine intellectuelle sous la botte a fait beaucoup de progrès. Les archives sont sorties et elles ont parlé.

Gilbert Joseph, "Une si douce Occupation. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre 1940-1944"