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Virginie Girod, "Les Femmes et le sexe dans la Rome antique"

Posted By: TimMa
Virginie Girod, "Les Femmes et le sexe dans la Rome antique"

Virginie Girod, "Les Femmes et le sexe dans la Rome antique"
Publisher: Tallandier | 2013 | ISBN: 1021001152 | French | EPUB | 364 pages | 0.6 Mb

Dans une épigramme adressée à sa femme, Martial écrivait : «Je veux bien que tu sois une Lucrèce pendant le jour tout entier, mais c'est une Lais qu'il me faut la nuit.» Ce vers décrit tout le paradoxe de l'érotisme féminin dans l'Antiquité romaine.

Comme une même femme ne pouvait pas être tout à la fois le parangon de la chasteté et une amante dépravée, Virginie Girod montre que les femmes furent classées en catégories et comment leur statut social encadrait leur vie sexuelle en fonction de règles morales établies par les mythes politiques romains et par la religion. La femme mariée, la matrone, se trouvait cantonnée dans un rôle reproducteur dénué de sensualité. C'était aux prostituées (esclaves, affranchies ou plus rarement libres) qu'il incombait de distraire sexuellement les hommes.
Alors, le corps féminin érotique et le corps féminin reproducteur étaient-ils deux choses résolument différentes ? Comment les femmes vivaient-elles la sexualité au quotidien ? Quelles pratiques étaient autorisées ou non et pour qui ? Les grandes figures féminines de l'Empire telles que Messaline ou Agrippine la Jeune étaient-elles représentatives de la vie quotidienne de toutes les Romaines ? Finalement, les Romains étaient-ils des débauchés prêts à toutes les transgressions pour leur plaisir ou ont-ils posé les jalons des normes qui ont régi, des siècles durant, la sexualité occidentale ?
À l'aide d'une documentation considérable, Virginie Girod répond à ces questions pour apporter une nouvelle réflexion sur la condition de la femme romaine.

Virginie Girod est docteur en Histoire. Elle a soutenu une thèse à l'université Paris IV-Sorbonne sur la sexualité des Romaines au début de l'Empire dont le présent livre est issu.
LA SEXUALITÉ FÉMININE, UN ENJEU SOCIAL

Être une digne mère de famille ou être une putain. Lorsqu'on était une femme dans la Rome antique, on appartenait nécessairement à l'une de ces deux catégories antagoniques. Devenir l'une ou l'autre pouvait être déterminé par plusieurs facteurs et notamment par le statut social de naissance. Mais le critère décisif était la conduite sexuelle. Des pratiques inappropriées pouvaient faire déchoir la matrone de son rang alors qu'une affranchie loyale et honnête pouvait devenir matrone en se mariant avec un homme libre. Mais la putain, qu'elle fût esclave de sa libido ou qu'elle mît son corps au service du plaisir du premier venu pour de l'argent, ne pouvait jamais espérer quitter sa catégorie infamante.
Dans son célèbre essai éponyme, Georges Bataille définit l'érotisme comme une composante particulière de la sexualité humaine : «L'activité sexuelle des hommes [est érotique] chaque fois qu'elle n'est pas rudimentaire, qu'elle n'est pas simplement animale.» Cette définition introduit le paramètre du raffinement dans la sexualité, si subtil soit-il, ou d'un but, la reproduction par exemple, pour faire accéder la sexualité au statut d'érotisme. Le mot érotisme vient du grec éros qui désigne principalement le désir amoureux, par opposition à l'amitié. Il évoque le désir ardent ou la passion ressentie pour quelqu'un ou quelque chose, la force cosmique d'attraction, de fécondité ou, plus généralement, les pulsions sexuelles. Étudier l'érotisme du point de vue des femmes de l'Antiquité romaine revient à étudier la sexualité féminine dans son ensemble, sans se limiter aux actes. Ainsi, pour comprendre celle-ci, il convient de maîtriser les tenants et les aboutissants de l'érotisme romain, qu'il s'agisse de sa formation, de sa perception ou de son évolution. Une fois que les femmes ont été replacées dans ce large contexte, il faut les étudier en prenant en compte leur milieu social, leur milieu géographique et leur âge. La sexualité des femmes dans l'Antiquité romaine apparaît alors comme un sujet d'étude à part entière, car il ne s'agit pas de traiter d'une pulsion primitive de vie mais des enjeux sociaux qui en découlent. Il n'est évidemment pas question d'exclure la sexualité des hommes du champ de cette étude, car ce furent précisément eux qui codifièrent le comportement sexuel des Romaines en soumettant leur corps, leurs désirs et leurs devoirs sexuels à des règles fixées par la morale, la coutume et la loi.

* * *

Néanmoins, l'érotisme et la sexualité sont des notions mouvantes. Les règles qui ont régi la vie sexuelle des femmes n'ont pas toujours été les mêmes depuis le règne de Romulus, le fondateur de Rome, jusqu'à celui de Romulus Augustule, qui vit la fin de l'Empire romain d'Occident. Pour que cette étude soit pertinente, elle doit se concentrer sur une période donnée. Le début de l'Empire s'impose dès lors comme le cadre chronologique idéal. Entre l'avènement de la dynastie julio-claudienne (27 av. J.-C.-68 apr. J.-C.) et la fin des Flaviens (69-96 apr. J.-C), la vision de la sexualité a changé. Cette période a été une charnière durant laquelle les moeurs ont subi une révolution, un élan de liberté si favorable aux femmes que certains historiens ont parlé d'émancipation féminine. Jusqu'au IIe siècle avant notre ère, la morale qui régissait la vie des femmes provenait directement du mos maiorum, la coutume des anciens. Les mythes politiques de l'histoire de Rome ont vraisemblablement créé un idéal féminin pour les femmes honnêtes. Mais, au Ier siècle avant notre ère, le changement progressif du climat social, l'arrêt des guerres civiles, l'enrichissement global de la société et l'abandon de certaines traditions matrimoniales archaïques ont permis aux femmes, dans une certaine mesure, de frayer avec d'autres sphères que la sphère domestique. Cette indépendance très relative d'un certain nombre d'entre elles parmi les plus riches et un contexte social favorable allaient entraîner un relâchement des moeurs et un vent de liberté sexuelle allait souffler sur Rome. Les sources ne parlent que de la débauche ambiante, des infidélités, des adultères, des courtisanes et des prostituées. Faut-il croire, comme Henry Bardon, que les Romains étaient «des gens moins sensibles à la pudeur que nous» ? Il s'agirait là d'un raisonnement réducteur, se bornant à une lecture au premier degré des sources. Les législations des Julio-Claudiens et des Flaviens n'ont eu de cesse de prôner un retour aux valeurs ancestrales. Au IIe siècle de notre ère, la sexualité romaine subit une révolution portée par la philosophie stoïcienne. Les femmes se remirent au service de leur famille par devoir, mais aussi par amour, ce qui allait inspirer, des siècles durant, la sexualité chrétienne.


Comment les Romains concevaient-ils leur sexualité ? C'est le sujet de l'étude de Virginie Girod, historienne et universitaire…

Manuel cru et clinique pour détailler les actes, traité sociologique pour comprendre les rôles. Un tour d'horizon réussi. (Fabrice Drouzy - Libération du 5 septembre 2013)


Virginie Girod, "Les Femmes et le sexe dans la Rome antique"